Paul Aumonier, Basse de l'Opéra

Il est un fait établi qu'une basse dite profonde (ou basse noble) se doit de posséder avant toutes autres notes, un grave descendant au moins jusqu'au contre ut (en dessous de la portée en clé de fa) avec la rondeur et l'ampleur nécessaire pour être aisément audible dans une salle de spectacle et ce bien sûr malgré l'orchestre et les choeurs.

En effet même si une partition ne comporte pas de telles profondeurs vocales dans l'écriture du compositeur, les traditions d'autrefois exigent que l'artiste interprétant par exemple Marcel (des Huguenots), Bertram (de Robert Le Diable) ou Balthazar (de la Favorite) les fassent littéralement gronder, tout au moins si son appareil vocal le lui permet.

Un héritage baryton-basse de Nice à Bordeaux et sur la scène mondiale

La biographie de Paul Aumonier

Paul Aumonier est né le 7 juillet 1872 dans une famille bourgeoise. Ses parents acceptent très difficilement et avec beaucoup de réticence qu'il veuille devenir parolier. Malgré tout, Paul Aumonier entre au Conservatoire de Paris, dans la classe de Melchisédek, le grand baryton que l'on connaît.

Avant même qu'il ne signe son premier contrat au théâtre, la Maison Pathé invite le jeune Aumonier (qui vient de remporter le premier prix de chant) à immortaliser dans la cire quelques airs et mélodies d'opéra. Cette célèbre maison, qui en est à ses balbutiements, demande à Paul Aumonier d'enregistrer son premier cylindre, "Charles VI (extrait d'Halévy : Guerre aux Tyrans"). L'étiquette de la boîte portait "chanté par Aumonier, basse chantante, 2ème prix du Conservatoire" (il s'agit du cylindre n°23). Il n'avait que 25 ans.

A cette époque les systèmes de doublage n'étaient pas encore connus et Paul Aumonier, comme ses autres partenaires (Mary Boyer, Gaultier, Vallad, etc.), était obligé de chanter chaque morceau autant de fois que la compagnie Pathé Frères le lui demandait, ceci pour le même air, et souvent plus de vingt fois dans la même journée. Il a ainsi enregistré un à un le morceau le plus célèbre de son répertoire, "Le Cor" de Flegier, plus de 500 fois ! Nous sommes en 1898. Paul Aumonier grave ensuite cette mélodie de basse profonde typique sur des cylindres et des disques en saphir ou en aiguilles au moins 12 fois ; bien plus selon sa femme. C’est donc lui qui détient le record du plus grand nombre d’enregistrements de ce célèbre morceau.

Il est vrai que Paul Aumonier possédait l'un des plus beaux fa et ré graves parmi les basses de son temps. Cependant, comme on peut tout avoir, Humbert Tomasis reste quand même une exception dans le registre vocal, les hautes fréquences étant limitées et parfois un peu "raides". Mais la profondeur, la qualité et le son des notes basses étaient si beaux... ! belle et authentique car aujourd'hui il n'y avait aucun moyen de circuler.

Réussite professionnelle

Après avoir fait résonner sa voix de basse profonde sur toutes les scènes de province (Monte-Carlo, Lyon, Vichy, puis Lausanne, Alger, Bruxelles,...), il a élu domicile pendant plusieurs saisons à l'Opéra de Nice. C'est dans cette ville que le 21 mars 1907, il chante Tannhäuser avec le célèbre ténor wagnérien Van Dyck et le baryton Albers. Il signe un contrat d'exclusivité avec la mutuelle éditrice Association Phonique des Grands Artistes, qui durera jusqu'en 1911.

Paul Aumonier dans La Juive

Rouen l'encourage ensuite dans Le Roi de Lohengrin, interprété par Marcel Demougeot.

Covent Garden à Londres s'est longtemps souvenu de la soirée de gala au cours de laquelle Ramphis chantait avec Caruso dans Aida ! Puis à partir de 1920 et pendant plusieurs saisons le Grand Théâtre de Bordeaux l'accueille chaleureusement : il est nommé basse noble et y chante avec Razavette, Arnal, Lavelletri, Charratt, Ichet, Augusta Garcia et d'autres. On y retrouve, entre autres, le Cid de Massenet en 1924.

Il fut engagé par l'Opéra en 1914. Le contrat ne fut honoré qu'en 1919 en raison de la Première Guerre mondiale. Fait ses débuts sur la scène nationale le 18 août dans Le Vieux Juif (de Samson et Dalila), suivi de Salambo (Giscon), Aida (Ramphis), Roméo (Frère Laurent), Rigoletto (Sparafuccile).

Aumonier, doté d'une conscience professionnelle scrupuleuse, était aussi un musicien accompli, connu pour sa droiture et son honnêteté légendaires ; il refuse un jour un contrat en Belgique pour une représentation au Théâtre royal de la Monnaie Phanuel (dans l'Hérodiade). Il avait simplement accepté d'apporter son aide gratuitement lors d'une soirée lyrique pour une cause caritative. Comme vous pouvez l'imaginer, il n'a jamais fait fortune et est décédé dans son modeste appartement de Montmartre, rue Colleincourt, le 24 mai 1944 à l'âge de 72 ans. Il a été enterré au cimetière Saint-Vincent de Montmartre.