Paulus, le roi du Caf'Conc, a t-il été enregistré ?

Nous voici projetés entre 1890 et 1900. C'est l'époque ou l'enregistrement sur cylindre ou sur disque vient d'être rendu possible de manière commerciale grâce aux efforts de pionniers de l'industrie phonographique. Les éditeurs de l'époque n'avaient pas encore d'usines florissantes, ils commençaient tout juste avec de faibles moyens, et n'avaient pas de budget pour se payer les grandes vedettes de l'époque. Cependant, ces grandes vedettes des années 1860 à 1880 n'avaient pas toujours eu la chance avec elles, et elles se sont parfois retrouvées sans le sou vers la fin de leur vie. Alors, on peut aujourd'hui se poser une question légitime: Ont-ils enregistré pour un éditeur ou ont-ils simplement passé leur répertoires à des artistes plus jeunes... même si les éditeurs n'ont pas hésité à agrémenter leurs enregistrements de mentions telles que 'Chanté par Paulus', Comme la publicité mensongère était courante à l'époque, pouvons nous en tirer la conclusion de Paulus aurait été enregistré ? Cette question, posée depuis des années n'a jamais eu de réponse satisfaisante, et pour l'instant, il est prudent de conclure que Paulus n'a pas d'enregistrements authentifiés avec certitude...

La vie de Paulus

biographie de Paulus

Paulus est né à St Esprit au 34 rue Maubecq dans les Basses Pyrénées (département des Landes) le 6 Février 1845, (la maison existe toujours en 2006 dans cette ville annexée aujourd'hui à Bayonne à coté de la gare). De son vrai nom, Jean Paulin Habans, il est un fils naturel d'un bordelais qui mourut alors que le petit Jean-Paulin n'avait que 9 ans. Il rentre à l'école des Frères où il est remarqué par sa voix, et participe à la maîtrise de l'école. Il en est expulsé peu après, et commence dans la vie active comme petite main dans des bureaux... Il a la chance de rencontrer un certain Lansade, chanteur de second ordre et de l'accompagner dans sa tournée où il donne ses premières représentations. Le succés n'est pas au rendez vous pour Lansade, et Jean-Paulin se retrouve sans le sou à Paris ou il trouve un emploi chez un fabricant de lampes. Il chante dans les goguettes, et trouve un engagement chez un cafetier 3 fois par semaine, et en 1867, chante au Concert du XIXe Siècle.

Il commence à chanter 'professionnelement' en avril 1868 à l'Eldorado. Ses débuts sont qualifiés de 'piteux', et au bout d'un mois il est résilié 'pour insuffisance'... Même si sa dernière semaine a l'Eldorado avait été plus prometteuse que ses débuts, il part pour Toulouse au 'Jardin Oriental'. Il y crée 'Les Pompiers de Nanterre' et obtient un grand succès. Il passe à Marseille, où il ne reste que 15 jours, puis à Lyon, un mois...

Il retourne à Toulouse en 1869 au Jardin Oriental, invité par son directeur M.Lassaigne (on notera que Mlle Rosa Lassaigne deviendra par la suite Mme Paulus), au Casino de Lyon pour la saison 1869-70 pour 600 francs par mois, puis à Nimes en 1870 au Casino d'été. Son idée de prendre sa revanche en revenant à L'Eldorado se réalise en novembre 1871. Cette fois-ci il y fait carrière jusqu'en 1878 où il passera l'été au Chateau des Fleurs de Marseille. Puis il signe avec La Scala (de Paris), puis Marseille à nouveau à l'Alcazar, et Toulon, Montpellier ...

Il achète un commerce de couleurs, opération qui se termine mal, il ne peut pas mener de front sa vie professionnelle et son commerce... Il passe à l'Alcazar d'été en 1880, donne des représentations à Bruxelles, commence au théatre au 'Menus plaisirs'. En 1882, il passe au Concert Parisien.

Ses appointements lui permettent de mener grand train. Il se permet de dépenser jusqu'à 60.00 francs par an.

En revenant de la revue

L'Alcazar d'été en 1884, avec aussi l'Éden-Concert, le Concert de la rue Dauphine, la Gaîté-Montparnasse.. C'est la célébrité! Il rompt son contrat avec le Concert Parisien. En 1885, tournée en Espagne et au Portugal. En 1886, tournée dans le midi, en mai 1886, à l'Alcazar d'Été, il crée 'En revenant de la Revue' qui mit le comble à sa renommée. Puis l'Eden Concert, La Scala, saison à Trouville (1888).

En 1889, il rachète l'Eldorado de Nice, il le renvendra 3 ans plus tard, à perte, dégouté de son tenancier. Il voyage en Europe Centrale En 1890, Saint petersbourg, En 1891 au sommet de sa gloire aux Etats-Unis. 1892: Londres, puis Paris à nouveau.

Sa fortune est à la hauteur de sa réputation. Elle compte 3 millions de Francs or soit 10 millions de nos euros actuels! Il mène grand train, dépense sans compter: il achète une maison à la naissance de chacun de ses enfants à Arcachon.

En Août 1892, il rachète Bataclan après trois ans de fermeture, et connaît alors un succès jamais atteint. L'établissement est désormais envahi chaque soir et les 2.500 places sont prises d'assaut. Autour de l'idole se rassemblait une troupe nombreuse et talentueuse. Emile Mercadier, Aristide Bruant, Paul Delmet, Henry Fursy, De nombreuses petites comédies et opérettes et surtout des revues clôturaient les spectacles: le chansonnier Léon Garnier, parolier favori de Paulus, et Directeur artistique de l'établissement, était l'auteur de la plupart de ses oeuvres. il fait venir à Bataclan Buffalo Bill! Il achète aussi l'Eldorado de Nice, l'Alhambra de Marseille, Le Clos Paulus, un vignoble du Bordelais.

Hélas, si les débuts à bataclan furent fructueux, ils ne durèrent pas. Paulus avoue dans ses Mémoires:

"J'embrassais toujours trop d'affaires et je les étreignais mal forcément".

Son argent a littéralement fondu, il a même déçu son public par ses absences, de plus, il fut mal conseillé dans des placements d'argent en Bourse. le moral n'y est plus: ennnuis financiers, ennui dans son ménage...En 1897, c'est la fin de la période faste, il doit se débarrasser à perte ses concerts...Il se sépare de sa femme Rosa en 1897-98 (voir la photo de Rosa accompagnée de Mercadier) qui lui réclamera 400 francs par mois après que le divorce ait été prononcé en 1901 pour elle est ses six enfants (dont ses deux derniers nés en 1892 et 1896). Il aura bien du mal à payer vu la disette dans laquelle il vivait...Il ne chante plus que par intermittances.

Collection Félix Potin

En 1900, il chante à Paris pour l'Exposition à la place d'Yvette Guilbert qui était malade.

En 1906, Fursy et Le Figaro organisent un Gala qui fut donné au profit de Paulus au théâtre de La Gaité. Ce gala lui rapporta un peu d'argent dont il avait bien besoin (il ne touchera cependant qu'une petit partie des 24.000 francs récoltés lors de cette soirée).

C'est un des premiers chanteurs qui à la fin de sa vie à écrit ses mémoires qui se composent de 400 pages qui ne sont pas toujours fidèles à la réalité, surtout pour ce qu'il dit de sa femme et de ses 6 enfants (évidemment, le divorce était passé par là...).

Il déménage de Paris à Saint Mandé ou il meurt en Juin 1908. L'inventaire à sa mort dans ce petit appartement est particulièrement pauvre, prouvant que Paulus est mort ruiné. Il est enterré au cimetière Sud de Saint-Mandé. Il aura chanté près de 500 chansons.

Charlus dans ses mémoires, qui a commencé par imiter Paulus dira de lui: Paulus est «doué d'une voix de ténor criard». Il dira aussi ne jamais l'avoir rencontré...

Son style

Chanteur infatigable, il était capable de chanter jusqu'à 25 chansons par soirées tout en 'gambillant' (en sautant d'un pied sur l'autre). Paulus invente un genre qui sera imité par bien d'autres (Charlus en tête). Ses chansons racontent des histoires gaies, grivoises et polissonnes; il aime les militaires, il est très patriote; il respecte les curés et la religion; il fait l'apologie des petites femmes; les femmes sont faciles, bêtes, cupides, et elles trompent les hommes. Il se moque des femmes laides; Il se moque des cocus ; il se moque de lui; les étrangers sont des cons (anglais et prussiens); Son succès atteint des sommets,il chante notamment:

Les Pompiers de Nanterre 1868

En revenant de la Revue 1886

Le Père La Victoire 1889

Le maître nageur

La tour Saint Jacques

La chaussée de Clignancourt

Derrière l'Omnibus

Les statues en goguette

Le pantomimiste

La Boiteuse

Le Cheval du Municipal

Le terrible méridional

Le pompier de service

L'amant de la tour Eiffel

Comica Sérénada

Aventures espagnoles

A t-il été enregistré ?

C'est à partir de 1898 qu'il aurait pu enregistrer disque ou sur cylindre. Il faut considérer plusieurs points:

  • enregistrer sur cylindre entre 1896 et 1898 était un travail de forçat qui rapportait peu. Charlus le dit bien dans ses mémoires 'j'ai chanté': je gagnais des haricots', Paulus qui avait connu la gloire et qui ne se commettait pas avec les 'petits chanteurs' aura t-il pris en considération ce travail ? Rien n'est moins sur... De plus, les éditeurs débutaient seulement et utilisaient des chanteurs jeunes

  • le répertoire de Paulus étant très célèbre, les éditeurs comme Pathé ou Lioret ont utilisés des astuces pour faire croire que Paulus chantait réellement. On entend sur les cylindres Lioret au début de certaines chansons 'Chanté par Paulus', ou bien à la fin durant les applaudissements du public 'Bravo Paulus'. Ces indices ne permettent pas de conclure...et c'est souvent Maréchal, Charlus, Lejal, ou d'autres moins connus qui ont pris la place de Paulus...

  • à partir de 1902, les éditeurs avaient plus d'argent, et avaient mis au point des procédés de reproduction en masse. Ils ont pu enregistrer et payer plus chers certains artistes. Rien ne permet de penser que le disque Homophone 'Chapeau rose et fin mollet' soit chanté par Paulus, même si pour certains c'est l'enregistrement qui lui est le plus attribuable ...

Enregistrements d'œuvres de Paulus (mais dont le chanteur n'est pas clairement identifié) à Pathé:

  • Le rieur, de Félix Chaudoir (repris par Constantin vers 1920), (cylindre Lioret)
  • Les gardes municipaux, de Courtois, (cylindre Lioret)
  • Les gendarmes qui passent , de félicien Vargues (cylindre Lioret)
  • Derrière la musique militaire (Félix Chaudoir/Delormel et Garnier)
  • Chapeau rond et Fin Mollet (Lucien Colin)